Lola Sorrenti
Conseil éditorial à Paris 10

Bulle de poésie


C’est une initiative du théâtre de la ville de Paris.

Et j’ai eu envie de m’y arrêter quelques minutes car elle a éclairé ma journée d’hier.

Vers 18h, mon téléphone sonne.

Une voix douce et prévenante se présente. Nous discutons quelques minutes avec le vouvoiement de circonstance quand on ne connaît pas son interlocuteur, mais aussi avec une intimité dans la voix. Quelque chose qui veut dire : « ne craignez rien, vous êtes dans une bulle un espace sécurisé et bienveillant ».

 

Alors, j’ai joué le jeu. J’ai raconté à mon interlocutrice mon état d’esprit du moment, où je suis, comment je vis ce confinement et aussi - puisqu’elle me l’a demandé - ce que je souhaitais le plus en ce moment.

 

Elle a réfléchi quelques secondes. Et m’a dit : « j’ai une lecture à vous proposer ». Puis : « dites-moi quand vous êtes prête ». J’ai trouvé cette prévenance presqu’émouvante dans cette période où nous ne sommes pas prêt à grand-chose, où il faut plutôt recevoir, faire face et s’adapter ensuite.

 

Voici la lecture poétique qu’elle m’a offerte :

 

Poussant la porte en toi, je suis entré

Agir, je viens

Je suis là

Je te soutiens

Tu n'es plus à l'abandon

Tu n'es plus en difficulté

Ficelles déliées, tes difficultés tombent

Le cauchemar d'où tu revins hagarde n'est plus

Je t'épaule

Tu poses avec moi

Le pied sur le premier degré de l'escalier sans fin

Qui te porte

Qui te monte

Qui t'accomplit

 

Je t'apaise


Je fais des nappes de paix en toi


Je fais du bien à l'enfant de ton rêve


Afflux


Afflux en palmes sur le cercle des images de l'apeurée


Afflux sur les neiges de sa pâleur


Afflux sur son âtre.... et le feu s'y ranime

 

Agir, je viens


Tes pensées d'élan sont soutenues


Tes pensées d'échec sont affaiblies


J'ai ma force dans ton corps, insinuée


...et ton visage, perdant ses rides, est rafraîchi


La maladie ne trouve plus son trajet en toi


La fièvre t'abandonne

 

La paix des voûtes


La paix des prairies refleurissantes


La paix rentre en toi
 

 

Au nom du nombre le plus élevé, je t'aide


Comme une fumerolle


S'envole tout le pesant de dessus tes épaules accablées


Les têtes méchantes d'autour de toi


Observatrices vipérines des misères des faibles


Ne te voient plus


Ne sont plus

 

Equipage de renfort


En mystère et en ligne profonde


Comme un sillage sous-marin


Comme un chant grave


Je viens


Ce chant te prend


Ce chant te soulève


Ce chant est animé de beaucoup de ruisseaux


Ce chant est nourri par un Niagara calmé


Ce chant est tout entier pour toi

 

Plus de tenailles


Plus d'ombres noires


Plus de craintes


Il n'y en a plus trace


Il n'y a plus à en avoir


Où était peine, est ouate


Où était éparpillement, est soudure


Où était infection, est sang nouveau


Où étaient les verrous est l'océan ouvert


L'océan porteur et la plénitude de toi


Intacte, comme un oeuf d'ivoire.

 

J'ai lavé le visage de ton avenir.

 

Henri MICHAUX, "Poésie pour pouvoir", in Face aux verrous, éd. Gallimard, 1967

 

J’avais demandé de la sérénité au moment de sortir du confinement.

Le Théâtre de la Ville propose un remède poétique jusqu’au 11 mai. Comme une lotion pour soulager l’âme. C’est très beau et doux. Je vous le recommande sans modération.

 

Je profite de ce billet aussi pour remercier ces combattants de l’ombre, ceux qui luttent avec des mots et avec l’art. Un essentiel.

 

Pour vous faire lire de la poésie, ou prescrire ce remède à vos proches : c’est ici


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