Lola Sorrenti
Conseil éditorial à Paris 10

Lire et ne pas oublier


Quand j’étais enfant j’avais un carnet à grands carreaux séyès.

Dedans je notais le titre, l’auteur. Je soulignais à la règle d’un trait rouge. En dessous j’écrivais le résumé du live lu et ce que j’avais aimé ou non. Je ne sais plus où est ce carnet aujourd’hui.

Je crois me souvenir qu’il y avait une page pour Anne Franck, une page pour Un soir à la patinoire, Mon ami Frédérick, La sixième de Susie Morgenstein, bien sûr. Le reste je ne m’en souviens plus.

 

Les livres ont depuis pris beaucoup de place dans ma vie et sur mes étagères. Souvent par peur d’oublier je consigne des mots dans mon téléphone, griffonner en coin de pages ou sur les réseaux sociaux pour retenir ce que m’a fait cette lecture.

Écrire pour retenir.

Pourtant, je crois qu’un livre qui provoque une déflagration, on ne l’oublie pas.

 

Cette année, j’ai la chance de suivre l’aventure des 68 premières fois, un comité de lecture.

https://68premieresfois.wordpress.com/

Grâce à cette aventure de lecture, j’ai décidé de reprendre mon carnet et mon stylo et de consigner mes lectures 2023.

 

Toutes mes chroniques, impressions, fragments seront consignés ici.

Ceux qui s’aiment se laissent partir, Lisa Balavoine, Gallimard. 

C’est une histoire d’amour entre une mère et sa fille. 
Ou plutôt une fille et sa mère. 
Les deux. Au point de se fondre l’une dans l’autre.  

Dans ce texte, j’ai reçu la rondeur et la détresse de l’enfance, les deux à la fois. 
J’ai adoré le motif de la tortue qui revient sans cesse, dans le ressac de la vie. 

De bout en bout, la gorge nouée. Parce que ça va vite, très vite, par fragments qui font suffoquer. Comme la vie. 
Un craquement d’allumette
Une lecture qui ne laisse pas de répit.  
Et déjà la flemme qui bleuit. 
S’éteint. 

Les Naufragées, Manon Hentry-Pacaud, Éditions Frison Roche.

Écrire est une entreprise si longue et si difficile.

En quelques mots de commentaires, je pourrai m’arroger le pouvoir de mettre un coup de canif là dedans ? Je trouve ça cruel.

C’est pourtant bien ce que l’on espère d’une critique. Dire au plus juste la réception d’un texte.

Je n’ai pas accroché outre-mesure avec ce roman. Autrement dit, je ne me souviendrai pas de ce texte dans plusieurs mois ou plusieurs années. Cependant, l’idée est simple, vive et efficace : 4 portraits croqués qui se retrouvent dans une toile plus grande. J’aime le procédé.

On y trouve des moments très justes. Certaines phrases sont affûtées quand d’autres me paraissent trop bavardes. La vérité est que je me suis un peu ennuyée.

Un contraste entre quelque chose de fort dans le propos mais d’inabouti dans la manière de venir me toucher.

De ces femmes, celle d’Inès reste ma préférée !

 

Les Enfants endormis, Anthony Passeron, édition du Globe

Anthony Passeron raconte l’épidémie mondiale du sida. 
Puis, il zoome sur la France. Il zoome sur la vallée de la Roya. Il zoome sur le personnage de Désiré. De Désiré on ne sait finalement que peu de choses. L’essentiel de ce qui va le terrasser suffit. 

Il y a des livres qui comporte des fragments qu’on voudrait avoir écrit dans sa vie. Ce livre est de ceux là « On disait de lui que c’était un "bossuer", et c’était là toute sa fierté. »

Il reste en mémoire le prologue et des impressions par touches, l’enclavement d’un lieu qui fait suffoquer à la lecture, cette image glaçante et répétée des aiguilles plantées dans les corps, cette grand-mère digne que rien ne console. Et l’innocence de la fillette. 

La pudeur et l’amour dans les mots me suffisent et j’aurais pu me passer des chapitres sociologique sur la progression de la découverte du virus du sida. 

Une lecture à partager autour de soi. 

 

Un miracle, Victoria Mas, éditions Albin Michel

 

C’est l’histoire d’un miracle qui s’annonce pour le meilleur et pour le pire, sur une île bretonne.

Au début, j’ai bien cru ne pas accrocher. J’avais du mal à m’attacher aux personnages. Finalement l’enchaînement des péripéties nous prennent. Et la description de la côté mystique et sauvage vient ponctuer le texte. Dans la chute et les destinées des personnages, on retrouve la même inclinaison et plume que dans le Bal des Folles.

C’est une lecture mitigée. Je reste définitivement plus convaincue par le Bal des folles.

 

Fuir l’Eden, Olivier Dorchamps, éditions de la Finitude


Il y a la voix d’Adam, mal assurée, directe, argotique puis brute au fil des pages. 

Avec ce roman, on fait une plongée dans une barre HLM. Une ville dans la ville. On  voit le cadre de la photo, l’ambiance, la toile de fond dans laquelle les personnages seront irrémédiablement pris. La force est de faire de l’Eden un personnage macro qui les engloutit tous. 

L’écriture est claire. Certaines scènes sont ciselées, rapides et d’autres fois, il y a des longueurs ou des facilités.

Quelque chose de lent contraste avec une écriture brutale. 

On revient comme dans des boucles sur des sentiments clés du roman : l’abandon, la haine, la colère, l’injustice. Peut-être de façon trop insistante ou explicite parfois ? 

Évidemment on s’attache à Adam et a cette cellule familiale toute cabossée amochée. On voudrait les sauver. Tous ne peuvent pourront pas être épargnés. 
 

Les gens de Bilbao naissent où ils veulent, Maria Larrea, Grasset

Un secret pour poser la question des origines et de ce qui fait famille. Si je n'ai pas aimé les chapitres où la narratrice s'observe dans sa quête ; j'ai adoré les personnages romanesques de Julian ou de Dolores. 

L'écriture fluide, énergique, accessible. Sans détour, elle nous emmène dans cette enquête personnelle. 

Un livre à recommander à tous ceux qui sont curieux des récits familiaux et de leurs noeuds à dénouer. 

Lulu, Léna Paul-Le-Garrec, Buchet-Chastel

C'est rare mais j'ai abandonné ce texte. Le propos ne m'a pas emmené et j'ai trouvé la voix de l'enfant trop peu incarnée et juste. 

C'est l'histoire d'un enfant singulier et solitaire, élevé par une mère maladroite, étouffante, malmené par ses camarades de classe, Lulu trouve refuge sur le littoral. Tour à tour naturaliste, collectionneur, chercheur de bouteilles, ramasseur de déchets, il fera l'expérience de la nature jusqu'à faire corps avec elle.

Une araignée dans le rétroviseur, Patricia Bouchet, éditions Parole

Un texte très bref avec un regard par touches de couleur. Une écriture poétique pour effleurer des réminiscence. 

Amateur de fictions et de romans, passez votre chemin ! Je ne l'aurais pas choisi de mon plein gré mais c'est une jolie découverte. 


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